22/05/2012
Les Confessions
Pour célébrer le tricentenaire de la naissance du philosophe et écrivain Jean-Jacques Rousseau, voici la dictée qui a eu lieu lors du concours "Au-delà des mots" organisé par l'Alliance française de Genève :
Jean-Jacques Rousseau
Les Confessions – Livre VIe
J'ai dit que j'avais apporté des livres: j'en fis usage, mais d'une manière moins propre à m'instruire qu'à m'accabler. La fausse idée que j'avais des choses me persuadait que, pour lire un livre avec fruit, il fallait avoir toutes les connaissances qu'il supposait, bien éloigné de penser que souvent l'auteur ne les avait pas lui-même, et qu'il les puisait dans d'autres livres à mesure qu'il en avait besoin. Avec cette folle idée, j'étais arrêté à chaque instant, forcé de courir incessamment d'un livre à l'autre; et quelquefois, avant d'être à la dixième page de celui que je voulais étudier, il m'eût fallu épuiser des bibliothèques. Cependant je m'obstinai si bien à cette extravagante méthode, que j'y perdis un temps infini, et faillis à me brouiller la tête au point de ne pouvoir plus ni rien voir ni rien savoir. Heureusement je m'aperçus que j'enfilais une fausse route qui m'égarait dans un labyrinthe immense, et j'en sortis avant d'y être tout à fait perdu.
Pour peu qu'on ait un vrai goût pour les sciences, la première chose qu'on sent en s'y livrant c'est leur liaison, qui fait qu'elles s'attirent, s'aident, s'éclairent mutuellement, et que l'une ne peut se passer de l'autre. Quoique l'esprit humain ne puisse suffire à toutes, et qu'il en faille toujours préférer une comme la principale, si l'on *n'a quelque notion des autres, dans la sienne même on se trouve souvent dans l'obscurité. Je sentis que ce que j'avais entrepris était bon et utile en lui-même, qu'il n'y avait que la méthode à changer. Prenant d'abord l'Encyclopédie, j'allais la divisant dans ses branches. Je vis qu'il fallait faire tout le contraire, les prendre chacune séparément, et les poursuivre chacune à part jusqu'au point où elles se réunissent. Ainsi, je revins à la synthèse ordinaire; mais j'y revins en homme qui sait ce qu'il fait. La méditation me tenait en cela lieu de connaissances et une réflexion très naturelle aidait à me bien guider. Soit que je vécusse ou que je mourusse, je n'avais point de temps à perdre. Ne rien savoir à près de vingt-cinq ans, et vouloir tout apprendre, c'est s'engager à bien mettre le temps à profit.
(* erreur commise par nos meilleurs candidats)
16:11 Publié dans Dictée, Orthographe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictée, les confessions, jean-jacques rousseau, tricentenaire
02/05/2012
Dictée
Voici la dictée "pas piquée des hannetons!" (selon les organisateurs) qui a eu lieu au SALON DU LIVRE DE GENÈVE, lors de la DEMI-FINALE DU CHAMPIONNAT SUISSE D’ORTHOGRAPHE 2012 :
Un camé(e) chez ma tante
Je l’avais rencontré au mont-de-piété où il était venu mettre en gage un camée, une superbe sardonyx, véritable chef-d’œuvre de la glyptique antique, qui représentait un groupe de satyres épiant, derrière un rideau de laîches, Psyché et ses suivantes au bain.
Dans le café où nous nous étions attablés devant un verre de graves grand cru classé qu’il avait tenu à me faire déguster, il me confia que cette pierre d’une extrême finesse avait été offerte par l’empereur Tibère à son précepteur. En 410, lors du sac de Rome, elle tomba entre les mains d’un reître des hordes wisigothes qui en fit cadeau à son amie, une espèce de pythonisse byzantine.
Elle resta dans la famille de cette femme jusqu’à l’arrivée des croisés à Constantinople, où elle fut dérobée par un page caennais qui, ignorant sa valeur, la remit à son seigneur. De retour en Normandie, celui-ci la mit sous clé dans une salle du donjon de son château fort. Survint la guerre de Cent Ans accompagnée de son cortège d’exactions. Le château fut incendié et la pierre perdue, oubliée.
Quelque quatre siècles et demi plus tard, un promeneur qui cueillait des champignons la retrouva, quasi intacte, au milieu d’un groupe de pézizes, dans le chaos des ruines. Il voulut en faire don au Louvre qui, doutant de son authenticité, la refusa.
De dépit, il la vendit à un lord anglais, celui-là même qui avait fait mettre au British Museum – les avait-il volées ou achetées ? - les métopes sculptées du Parthénon représentant le combat des Lapithes et des Centaures. L’Anglais mourut en 1841 en léguant par testament le fameux camée à mon ancêtre, qui, propriétaire d’une bonneterie et d’une chapellerie dans le Marais, était devenue et sa fournisseuse en couvre-chefs et son amie intime.
Il se tut un long moment, puis, jetant tout à coup sur la table une liasse de billets de cent euros, il soupira : «Et voilà tout ce qui reste de cette histoire ! Mon camée chez ma tante ! Quelle tristesse ! Mais je n’avais pas le choix. Mes lignes de coke me coûtent de plus en plus cher.» Puis il se leva brusquement, reprit les billets et me salua, me laissant régler l’addition.
F. Klotz
Sous le contrôle du jury
Présidé par P. Mayoraz
Variantes : bonnèterie, pezizes, centaures, laiches, coutent, reitre
20:03 Publié dans Orthographe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictée, orthographe
29/04/2012
Conséquent et important
On entend et lit, très – trop! – souvent, le mot "conséquent" employé, à tort, à la place du mot "important" : utiliser "conséquent" comme synonyme d'important ou de considérable est incorrect!
Conséquent signifie logique, cohérent, sensé, judicieux.
Exemples : un raisonnement conséquent ; une conduite conséquente ; un jugement conséquent.
On dira et écrira donc : des pluies importantes; une somme importante (ou considérable); des efforts importants.
14:55 Publié dans Orthographe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vocabulaire, sens, important, conséquent