Amour de la langue française

La dictée de L’Hebdo du Salon du Livre et de la Presse 2015 de Genève, écrite par Darius Rochebin

Corrigé

On a comparé les journaux télévisés à des grands-messes. Alors, l'objectivité leur tient lieu d'eucharistie. Elle est la transsubstantiation mystérieuse, obtenue par la somme des points de vue, nécessairement subjectifs.

 L’objectivité est le saint chrême qui fit de tout stagiaire un journaliste, après qu'il en eut été oint. Quelques affres que lui ait values cette exigence, quelque décourageantes que se soient révélées ses enquêtes, il tend vers cet empyrée.

 Il n’y faut que de la jugeote, dit l’esprit confiant; c'est une gageure, rétorque le pyrrhonien. Dupes trompées par leur amour-propre, les journalistes se leurrent.

 Quelque rompus qu’ils soient aux analyses quintessenciées, ils ne sauraient être purs esprits. Même la physique quantique le dit: l’observateur influe sur la chose observée.

 Il y a pourtant une ascèse de l’objectivité. C’est l’art de penser contre soi-même. Les antiques légendes l’enseignaient: les chèvre-pieds peuvent avoir des parts séraphiques et les gens de bien, excepté les saints, des relents méphitiques. Quel bonheur de se libérer du rets de l’opinion, de nettoyer la chassie de ses yeux et de voir le monde tel qu’il est: plein d’ambiguïté et de clair-obscur.