10/09/2010
Dictée d'enfer
Voici la dictée qui a eu lieu en Valais, comme l'an dernier (je déplore, à nouveau, la non-accentuation des lettres capitales...) :
DICTEE du 28.08.2010
FINALE DU CHAMPIONNAT SUISSE D'ORTHOGRAPHE 2010
UNE DICTEE D'ENFER
Des remords plein la tête, te voilà devant l'immense portail qui s'entrouvre lentement. Tu hésites puis, sans te retourner, tu le franchis. Aussitôt des diablotins t'arrachent ta montre et la piétinent dans un concert de ricanements, car ici le temps n'est plus et il n'est plus temps. Il n'y a plus d'avant, il n'y a plus d'après, il n'y a plus qu'un présent qui sera éternel, car le royaume de Belzébuth est aussi celui de Sisyphe: tout n'est que recommencement. Tu avances de quelques pas, c'est le choc: à tes pieds, en contrebas, un fourmillement infini. Pullulent, sous tes yeux effarés et dans un silence de mort, les criminels, les coléreux, les envieux, les orgueilleux, les paresseux, les avaricieux, les luxurieux et les gourmands, tous en nombre sans cesse croissant. Toi, étreint par l'angoisse et rongé d'attrition(s), tu es en pleine déréliction. Quel sera ton sort? (Fin de la dictée des juniors)
As-tu été gourmand, tu assisteras, bâillonné et lié à ton siège, à la présentation par d'accortes démones court-vêtues d'une profusion de mets affriolants tels ceux du festin des mercenaires que décrit Flaubert dans Salammbô. Toi, affamé, tu es dévoré de tentations. Dommage! Nouveau Tantale, tu ne mangeras plus jamais. Luxurieux et concupiscent, c'est sans cesse que tu couvriras de repeints les nudités des napées et des putti produits à la chaîne par de petits maîtres, jadis invétérés plagiaires. Envieux, tu composeras un virelai ou une villanelle ou encore une ballade en vers (h)olorimes à la gloire de Crésus. A peine auras-tu composé ton poème qu'un succube au dos gibbeux surgira, le lacérera d'un coup de fourche et tu recommenceras. Avaricieux, tu jetteras sans cesse des poignées de souverains, de napoléons et de vrenelis dans un four géant d'où s'écoule une pâte bouillonnante que lapent à genoux d'ex-harpagons penauds, sous l'œil morne des orgueilleux, condamnés, eux, à la reptation perpétuelle. Paresseux ou adepte du nonchaloir, tu haleras d'énormes blocs de porphyre pour ériger une espèce de ziggourat akkadienne dédiée au stakhanovisme. A peine achevé, l'édifice s'écroule et tu recommences. Si tu as été un être coléreux, des diablesses mafflues aux manières de virago(s) te frictionneront continûment à l'aide de glaçons: version infernale de la cryothérapie. Et quelle qu'ait été ta faute, quelque grandes que soient tes velléités de résipiscence et quelques vraies marques de repentir que tu manifestes, tu n'auras qu'une seule et pauvre distraction: regarder passer l'interminable cortège d'individus bêlant et se mignotant. Des déments? Non, les criminels, contraints de feindre la douceur des agneaux.
Francis KLOTZ
sous le contrôle du jury présidé par P. MAYORAZ
Phrases subsidiaires:
La cirrhose, la myxomatose, la dengue, la bilharziose et l'anhidrose (anidrose): pas une pathologie ne lui était inconnue.
Pour les juniors : Flottant dans son falzar raccommodé, un vieillard décrépit longeait un mur décrépi sur lequel courait un gecko.
13:25 Publié dans Dictée | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : dictée, orthographe, championnat suisse
10/05/2010
L'ataraxie
Voici, ci-dessous, la dictée de la demi-finale du championnat suisse d'orthographe. Elle a eu lieu le 1er mai, au Salon du livre de Genève. Je note que les majuscules (comme très souvent en Suisse romande*) ne sont pas accentuées... dommage !
RENONCEMENT
O bizarre et énigmatique esprit humain! Qu'est-ce qui m'y avait incitée? Etait-ce ma fréquentation assidue des philosophes stoïciens? Etait-ce parce que, livrée au haschich, je m'étais alors attardée et complu dans les paradis artificiels? Je ne saurais le dire, mais ce fut une quête éperdue, inlassable. Ah! oui, je l'aurai traquée sans trêve, sans repos, en tous lieux. Fallait-il que sa quête me taraudât! // Dans mes hallucinations les plus insensées que de fois n'ai-je pas cru l'entrapercevoir chez de paisibles faneurs assoupis sur leurs andains ou, à la Bourse, sur les visages de tradeurs épuisés après des paroxysmes de cupidité. Je suis sûre de l'avoir observée aussi chez un stylite, étique à force de privations, spectre hiératique préservé des tentations du vulgaire.
Rassasiée d'onirisme et de voyages immobiles,mais toujours avide d'expériences nouvelles et prête à tout, je me suis mise à parcourir le monde, avec une envie folle de jouir enfin de cet état que je m'étais fait fort d'atteindre. Ainsi, en Haïti, ai-je assisté à d'inénarrables cérémonies vaudou au cours desquelles, désireuse de leur arracher leur secret, j'ai tenté de communiquer - horresco referens - avec des zombis surgis de la tombe. Mais ces gredins gardèrent hélas! un mutisme total et préservèrent leurs satanés arcanes.// fin de la dictée des juniors
Encore toute à ma déception, je me suis alors littéralement ruée vers les milieux de l'occulte, du sibyllin et de l'hermétique. Une collègue, rosicrucienne, m'entraîna à une réunion de sa loge. Les rose-croix m'initièrent certes aux mystères osiriens, mais leur Grand Maître, un sanguin en permanence courroucé, était le contre-exemple même de ce à quoi j'aspirais. On m'a vue aussi quelque temps dans la secte des adorateurs du papyrus dont le gourou, un doux dingue, prétendait que l'absorption quotidienne d'une bolée de décoction de cette cypéracée ainsi que la récitation d'une oraison jaculatoire me permettraient enfin d'atteindre la tranquillité de l'âme, cette fameuse ataraxie, censée être l'apanage du sage et qui me fuyait sans cesse. J'y ai cru, j'ai bu et, déçue, j'en suis revenue. Les choses en étaient là lorsque, en visitant une église romane clunisienne, je suis tombée sur des rondes-bosses représentant les allégories de l'émoi, du désir, de la passion et de la frénésie. Dodues et joufflues, elles écrasaient, hilares, de tout leur poids une cinquième qui grimaçait de douleur et que la médiéviste qui m'accompagnait identifia sur-le-champ: l'ataraxie! A jamais découragée, je m'affalai sur un prie-Dieu en marmonnant d'horribles blasphèmes.
Francis Klotz
sous le contrôle du jury présidé par
P. MAYORAZ
VARIANTES: 1) en tout lieu 6) guru
2) Emoi, Désir, Passion, Frénésie, Ataraxie 7) leurs secrets
3) vaudoues 8) entr'apercevoir
4) zombies 9) hachich, hachisch, haschisch
5) traders 10) Ô
* " En français, « l'accent a pleine valeur orthographique ». L'Académie française recommande donc l'usage d'accent ou tréma sur une majuscule, tout comme l'utilisation de la cédille. Ainsi les publications de qualité écrivent les majuscules (tout comme les capitales) avec les accents et autres diacritiques, au même titre que les minuscules. En effet, les signes diacritiques ont un rôle important dans les langues qui les utilisent.
Cependant, dans une grande partie du monde francophone (Suisse romande notamment, mais pas au Québec), seuls les minuscules et les mots entièrement écrits en capitales sont accentués dans les textes courants. Les signes diacritiques restent toutefois reproduits par les éditeurs de publications académiques, dictionnaires, encyclopédies, certains livres de poche. On trouve donc écrit en règle générale État, mais Etat dans les publications les moins soignées. "
Source : Wikipédia.
15:48 Publié dans Dictée | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : dictée, orthographe, championnat, demi, finale, suisse, ataraxie
01/11/2009
Dictée un brin gratinée
Pour tous ceux qui se régalent de dictées, voici le texte de celle qui a eu lieu le 17 octobre 2009 à Sion, la capitale du Valais, lors de la 20e édition du Championnat suisse d'orthographe, suivi des commentaires du président du jury :
Une sanction judicieuse, ô combien !
Mon cher Guillaume, je n'en peux plus. Tu fais le faraud du haut de tes treize ans, mais tu devrais te montrer penaud. Sais-tu que tu es devenu la terreur du bailliage? Comparées au récit de tes incartades, l'Iliade et l'Odyssée ne sont que roupie de sansonnet. Un Tell se comporter ainsi! Quelle honte pour moi, ta mère! Vraiment, tu attiges!
Ainsi, hier, au lieu de nous aider à cueillir des quetsches, qu'as-tu fait? Tu as pataugé dans la cressonnière des voisins et tu l'as saccagée. Le dimanche précédant cet exploit, tu avais enduit de glu les prie-Dieu de notre église et pendant que les fidèles tentaient de se dépêtrer, toi, hardiment dissimulé derrière les fonts baptismaux, tu en gloussais d'aise, au grand dam du curé qui te menaçait d'excommunication et mélangeait les Ave et les Pater. Le bedeau, lui, te promettait la géhenne. Dois-je peut-être te rappeler le lamentable épisode des nichets? Tu sais, le jour où, dans la ferme de nos voisins, tu en as lancé sur les paonneaux effarés. Le paysan m'a battu froid durant six mois. De plus, était-il futé de couvrir le mur du cimetière de graffiti(s) appelant à bouter les Habsbourg hors d'Uri et à pendre le tyranneau Gessler? C'est miracle que les reîtres du bailli ne t'aient point surpris.
Souviens-toi aussi de cet appeau que tu avais taillé dans le sureau pour attirer dans tes rets de malheureux geais. Dire que tu étais censé aimer les oiseaux! Bravo!
(Début de la dictée des juniors) Et quand le guet t'a ramené par les oreilles parce que, au mitan de la nuit, on vous avait surpris, toi et d'autres lascars, à bégueter comme des enragés sous les fenêtres de la centenaire du village pour lui faire croire que ses chèvres s'étaient échappées. Nul doute que sa fin s'en est trouvée hâtée. Et cette idée stupide : t'amuser au tir à l'arc, et pour viser quoi? Des pommes! Toutes nos reinettes et nos boskoops (boscops) y ont passé. Toutes mises en pièces, et tu t'en vantais : "Qui sait? Un jour, peut-être, ça me servira…". Branquignol, va! Et puis, regarde-toi : tu es couvert d'ecchymoses et un énorme coquart (coquard) orne ton œil gauche. Tes vêtements? Des haillons! Combien de fois n'ai-je pas dû coudre des tacons à tes braies! Y a-t-il eu un jour de ta vie sans horions donnés ou reçus? Pas un seul! Eh bien, mon cher ami, dans ces conditions, il est exclu que nous t'offrions pour ton anniversaire le cadeau dont tu rêves : une arbalète. Tintin, l'arbalète!
Francis KLOTZ
sous le contrôle du jury présidé par P. MAYORAZ
Phrases subsidiaires :
seniors : Sa mère s'était fait offrir des gaulthéries, des paulownias, des cat(t)leyas, des rocouyers, des zinnias, des seringa(t)s et des raiponces.
juniors : L'eusses-tu vu, tu ne l'eusses point cru : après avoir dû, recru de fatigue, monter à cru, mû par la soif, il but dans le chai, à même le fût, une lampée d'un grand cru.
Un choix judicieux, ô combien!
Le cadre un rien solennel de la salle du Grand Conseil valaisan a accueilli la vingtième édition du Championnat suisse d'orthographe. Et une dictée bien suisse a départagé les concurrents au grand dam des non-Helvètes peu habitués à notre histoire, à notre géographie et à la graphie du détesté bailli Gessler, tout comme au canton d'Uri qui, pour primitif qu'il soit, pourrait se montrer vexé d'avoir été confondu avec une céréale asiatique.
Année de qualité que cette vingtième où les concurrents ont brillé, particulièrement les habitués bien sûr, mais aussi les futurs champions qui ont évité un plus grand nombre de pièges qu'à l'accoutumée. Et notre déception fut grande de n'en voir que portion congrue chuter à bailliage, chacun ayant amené avec lui les i qu'il fallait. Heureusement que les prie-Dieu en ont agenouillé un plus grand nombre sinon nous aurions approché de l'horreur du zéro-faute. Nos concurrents, plus habitués sans doute au football qu'à l'argot, ont souvent préféré la mi-temps au mitan. Nombre d'entre eux, et pas des moindres, se sont retrouvés "pomme" - bel helvétisme s'il en est! - avec les boscops. Mais, au final, point de branquignols ni de cancres à cette épreuve. Suggestion quand même à quelques-uns de bachoter pour la 21e.
Pierre Mayoraz
président du jury
11:35 Publié dans Dictée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dictée, écriture, orthographe, championnat, suisse