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08/01/2012

Les Couleurs de l'hirondelle

marius daniel popescu,romanRoman écrit par Marius Daniel Popescu, né en 1963 à Craiova, en marius daniel popescu,romanRoumanie comme Cioran et Istrati. Il étudie la sylviculture à Brasov. Installé à Lausanne, en Suisse, depuis 1990, il gagne sa vie comme chauffeur de bus aux Transports publics lausannois depuis 1991.

Il a reçu le Prix Robert Walser 2008 pour son roman intitulé La Symphonie du loup.

Talentueux, il ne connaissait pas un mot de français en arrivant en Suisse romande. C'est pourtant dans cette langue qu'il écrit.

Voici un court extrait des Couleurs de l'hirondelle :

 « Tu vas voir ta mère morte et tu la regardes dans ta mémoire comme elle était debout dans l’allée où tu l’as vue en vie pour la dernière fois, elle s’appuie sur une canne en bois et elle est en larmes, tu repars à l’étranger où tu travailles... »

Ce qu'en disent les Éditions Corti :

Les Couleurs de l’hirondelle est un récit en noir et blanc, avec une tache rouge sous la gorge ; un livre vrai comme un tirage argentique des années soixante, celles de l’enfance du narrateur, revenu au pays de la dictature du parti unique (naguère) pour enterrer sa mère. Ou plutôt, pour prendre, physiquement, livraison de son corps nu, dans une morgue qui témoigne, en elle-même, de la corruption toujours à l’œuvre et plus forte que tout, malgré les régimes et les temps qui passent. Il y aura d’autres allers et retours : entre Bucarest et Lausanne jamais nommées – pas davantage que l’hirondelle –, entre le père et sa fille de onze ans, née à l’étranger, qui seule lui transmettra la clé d’une possible réconciliation avec la petite ville natale. Au cœur du livre, le jeune homme « sorti du rang » prend son tour de garde sur le toit plat de la Maison des Étudiants, d’où il vit la chute du dictateur comme une délivrance et comme une mascarade. Un avenir radieux le démentira-t-il jamais ?



19/06/2011

Encore un prix pour Douna Loup !

Le succès est au rendez-vous pour Douna Loup. J'ai évoqué son roman, intitulé L'Embrasure, dans ma note du 8 avril. Depuis, cette romancière a encore gagné des prix, qu'elle semble désormais collectionner, grâce à son ouvrage. Les voici :

          - Prix Biblioblog 2011 (attribué ce matin même) ;

- Prix René Fallet 2011 ;
- Prix Michel Dentan 2011 ;
- Prix Schiller découverte 2011 ;
- Prix Thyde Monnier 2010 de la Société des Gens de Lettres.

Prix Biblioblog 2011

Cette année, le prix est attribué à L'Embrasure de Douna Loup

L'embrasure

02/06/2011

Le Diable en été

Roman de John Goetelen, Suisse d'origine belge.roman,livre,john goetelen,publibook,le diable en étéroman,livre,john goetelen,publibook,le diable en été

 

Présentation de l'éditeur, Publibook :

 

Au Café des Voyageurs, à deux pas du Ventoux, monsieur Paul, écrivain, cherche l'inspiration pour son nouveau roman, qu'il veut être un hommage à Aragon. Baladin charmant à ses heures, il rencontre trois femmes qui sont autant de chansons et de religions. Mais leur joie de vivre est insupportable aux esprits envieux et ignorants. En quête d'amour, monsieur Paul se retrouve à son corps défendant sur le chemin de la violence. Ode à la beauté et à la féminité,

« Le Diable en été » est tout autant un roman de séduction intense qu'un pamphlet virulent contre le racisme et l'intolérance. La plume alerte et le verbe incisif, John Goetelen y défend une certaine idée de la vie et de l'amour, comme il s'affirme dans le combat contre la bêtise quotidienne. Car « La vérité et la beauté n'ont pas besoin d'église, de mosquée ou de synagogue pour habiter nos cœurs ».

 

Les premières pages donnent envie de se plonger au cœur du récit, qui s'annonce captivant. Les voici :

 

Elles descendent la rue principale et l’on n’entend qu’elles. Des rires, des riens, des robes, des mains derrière les carreaux. Quelques pas légers entre les murs. Une chanson à la volée.

— Pirouette, cacahuète !

— Alouette !

        Des rires encore. Des pas qui s’éloignent. Je vais à la fenêtre. Elles ont disparu.

        Il est midi. La chaleur est accablante. Les anciens restent dans les maisons. Ils pensent à l’été quarante-sept. D’avril à septembre, du nord au sud: trente, quarante degrés. Une fournaise. Aujourd’hui c’est pire. Je loue une maison de village depuis deux mois à Oppedette. Il n’a pas fait moins de vingt-quatre degrés à l’aube. Même le carrelage est moite. M’allonger au sol n’apporte aucun soulagement. Dehors, pas un souffle. La rue ? Désertée. Qui serait assez fou pour se brûler la tête et le bec ! Pas même une alouette.

        Les inconnues ont bravé le feu. Les rires sont dans mes oreilles, et leurs prénoms lancés contre les murs comme des brassées de cerises : Delphine ! Romane ! Elles sont là depuis trois jours. On ne les connaît pas dans le village. Il y a des locations d’été en direction de Vachères, et de l’autre côté passé le ruisseau du Calavon.

        Ruisseau, le Calavon ? C’est le méconnaître. Une crue récente en a fait un fleuve. La ville d’Apt fut en partie inondée. Mais en été il ne reste qu’un filet d’eau. Ou un tas de cailloux desséchés. Il prend sa source au pied de la montagne de Lure, assez bas près de Banon, dans les collines derrière le village. Il dispose de peu de réserve d’eau. N’empêche : sous Oppedette il a creusé de profondes gorges.

        Je passe une chemisette sur mon jean et sors. Dehors, un mur de chaleur. Je prends la rue principale vers les gorges. Une odeur de lavande vient d’en bas, douce et âcre. La distillation a commencé dans la plaine devant Simiane.

        Je descends vers le Calavon. Les gorges maintiennent une petite fraîcheur agréable. Je viens souvent méditer entre les parois de rochers. Il y a cette bulle de pierre où j’improvise parfois un chant. La résonance du lieu est fascinante. Il faut passer quelques resserrements avant d’y arriver, escalader des pierres couvertes d’une fine écharpe de poussière beige. Par endroit on marche sous des racines dont les arbres poussent à des mètres au-dessus. Enfin j’arrive. Je ne suis pas seul.

— Bonjour !

        C’est l’une des inconnues. Visage clair, cheveux légèrement bouclés. Elle est assise à mon endroit préféré.

— Bonjour.

        Elle est là et je suis gêné. Je me connais : vif dans l’esprit mais peu doué pour la séduction. Je m’assieds de l’autre côté, prétextant silencieusement de la déclivité d’un rocher pour ne pas être de face. Je dispose d’un point de fuite : le lit asséché de la rivière.

— Vous venez d’Oppedette ?

        Je réponds oui et je lui demande où elle habite. Elle ne dit rien. Un rien attentif. Concentré. Un cri de passereau résonne entre les parois, un bruissement d’ailes. Je tente une diversion :

— Quelle chaleur !

— Vous trouvez ? C’est un temps à papillons. Regardez : il en vient même ici au frais. Je me demande ce qu’ils mangent.

        Je lui montre la bordure d’herbe tachée de couleurs.

— Il y a des fleurs au-dessus de nous.

— Ah. Vous venez souvent ici ?

— Parfois. Cela dépend.

— De quoi ?

— De vous. Je viens si vous y êtes !

        Elle éclate de rire, tourne sa tête de côté, vers l’arrière et revient vers moi.

— Excusez-moi mais je ne vous crois pas. Donc vous habitez Oppedette. Je vous ai vu derrière votre fenêtre. Vous étiez penché sur votre ordinateur. Vous écriviez ?

— J’essayais. Pas facile. La chaleur me ralentit.

        Elle regarde un papillon. Sa robe à bretelles frissonne sur ses côtes et son ventre.

— C’est drôle de nous trouver là. Je vous connais un peu par vos écrits.

— Moi par votre rire.

        Le silence encore. Nous sommes presque proches et pourtant étrangers. J’écoute les cigales. Il y en a une tout près. Je prends son rythme et tape doucement des mains sur mes cuisses. Elle prend le rythme avec moi et sa voix se mêle au chant de l’insecte. J’aime ce moment. J’aime qu’elle soit là. Elle a fermé les yeux et je la regarde. Son visage, menton et pommettes dessinées. Front large, cou mince. Sa poitrine, petite, comme des dunes sous sa robe. Un bassin bien posé au sol, et des jambes qui s’allongent comme des antilopes. Elle sent mon regard, sourit et reprend :

— Je souhaitais vous rencontrer. Dès que je vous ai vu derrière votre fenêtre. Même avant. Maintenant que vous êtes là je ne sais plus quoi faire. Ajouter des mots ? A quoi bon. Je pourrais vous donner mon cœur et mon corps. Là, tout de suite.

        Elle s’arrête un instant. Etonnée de son aveu. Puis reprend.

— J’aime votre regard sur moi. Mais je crois que je vais attendre.

        Elle se lève.

— Paul, je vous dois au moins mon prénom. Je m’appelle Elsa.

        Elle s’éloigne en dansant. Se retourne, m’adresse un dernier sourire et disparaît entre les rochers.