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08/05/2013

Dictée de la semi-finale du championnat suisse d'orthographe 2013

Voici la dictée qui a eu lieu le 4 mai au Salon du livre de Genève (au passage, je note qu'en Suisse romande, on omet souvent d'accentuer les lettres capitales et majuscules !) :

 

CONFIDENCES ENFUMEES

 - Une chicha (shisha) comme d’habitude? me demanda-t-elle.

- Ni chicha ni houka ni shilom (chilom). Apporte-moi donc une chibouque, lui répondis-je en la regardant se diriger vers le râtelier à pipes.

 Perdues au fin fond du Turkménistan, nous venions de prendre congé d’un groupe d’historiennes kosovares, spécialistes des civilisations parthe et scythe, en voyage d’étude sur les traces des Séleucides et à qui, à leur invite et mues par la curiosité, nous nous étions jointes dès notre arrivée à l’aéroport. Hébétées de chaleur après une séance au hammam, nous étions affalées sur nos foutas dans la résidence de notre hôte, un riche négociant en épices. De la rue, filtrée par les moucharabiehs (moucharabiéhs), nous parvenaient des bribes de palabres animées en langue turkmène. Echappés d’un bocal ventru, des effluves discontinus de coriandre moulue se mêlaient aux fumées de nos pipes, alourdissant un air déjà suffocant. Cette touffeur, ces odeurs, notre lassitude, tout poussait à l’alanguissement, au laisser-aller et donc aux confidences. Aussi m’enquis-je auprès de ma compagne de son prochain roman dont elle se plut à évoquer le personnage principal :

- Boris est un rescapé du Goulag (goulag). Devenu loque humaine après quinze ans de camp en Sibérie, il est recueilli dans une laure qui l’engage comme cuisinier. Il vit sous anxiolytiques et se rétablit cahin-caha. Un jour, il reconnaît dans le nouvel higoumène un ex-gardien du camp, un être pervers, cruel et retors. Il l’empoisonne en lui servant de la mort-aux-rats – sera-ce dans des zakouski(s) ou dans des pirojki(s) ? J’hésite encore - sans éveiller le moindre soupçon.

 (Dictée des juniors)

 Il quitte le monastère et rencontre l’arrière-petite-nièce de Léon Tolstoï qu’il enjôle, spolie et abandonne ruinée. Il se fait élire à la douma et fraie avec la mafia (maffia) qui lui octroie le monopole de l’exportation du kvas (kwas). Bellâtre pitoyable, il se pavane aux côtés des danseuses étoiles du Bolchoï et entretient avec l’une d’elles une liaison tapageuse qui fait les délices des échotiers. La luxueuse datcha sur l’estuaire de l’Ob qu’il s’est fait offrir par un parrain de la mafia est le théâtre de bacchanales auxquelles se rue le Tout-Moscou amené sur place à grands frais. En haut lieu, au sommet de l’Etat, la jalousie et la haine liguées ont juré sa perte. Il est abattu par des hommes de main du régime et son corps lesté de parpaings est jeté dans la mer de Barents.

Elle se tut, prit un air songeur et, tout en suivant du regard les volutes bleuâtres des fumerolles échappées de nos pipes, elle murmura :

- Triste fin d’un drôle de zigoto.

 F. Klotz

 

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