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10/05/2010

L'ataraxie

Voici, ci-dessous, la dictée de la demi-finale du championnat suisse d'orthographe. Elle a eu lieu le 1er mai, au Salon du livre de Genève. Je note que les majuscules (comme très souvent en Suisse romande*) ne sont pas accentuées... dommage !

 

RENONCEMENT

 

O bizarre et énigmatique esprit humain! Qu'est-ce qui m'y avait incitée? Etait-ce ma fréquentation assidue des philosophes stoïciens? Etait-ce parce que, livrée au haschich, je m'étais alors attardée et complu dans les paradis artificiels? Je ne saurais le dire, mais ce fut une quête éperdue, inlassable. Ah! oui, je l'aurai traquée sans trêve, sans repos, en tous lieux. Fallait-il que sa quête me taraudât! // Dans mes hallucinations les plus insensées que de fois  n'ai-je pas cru l'entrapercevoir chez de paisibles faneurs assoupis sur leurs andains ou, à la Bourse, sur les visages de tradeurs épuisés après des paroxysmes de cupidité. Je suis sûre de l'avoir observée aussi chez un stylite, étique à force de privations, spectre hiératique préservé des tentations du vulgaire.

Rassasiée d'onirisme et de voyages immobiles,mais toujours avide d'expériences nouvelles et prête à tout, je me suis mise à parcourir le monde, avec une envie folle de jouir enfin de cet état que je m'étais fait fort d'atteindre. Ainsi, en Haïti, ai-je assisté à d'inénarrables cérémonies vaudou au cours desquelles, désireuse de leur arracher leur secret, j'ai tenté de communiquer -  horresco referens - avec des zombis surgis de la tombe. Mais ces gredins gardèrent hélas! un mutisme total et préservèrent leurs satanés arcanes.// fin de la dictée des juniors

Encore toute à ma déception, je me suis alors littéralement ruée vers les milieux de l'occulte, du sibyllin et de l'hermétique. Une collègue, rosicrucienne, m'entraîna à une réunion de sa loge. Les rose-croix m'initièrent certes aux mystères osiriens, mais leur Grand Maître, un sanguin en permanence courroucé, était le contre-exemple même de ce à quoi j'aspirais. On m'a vue aussi quelque temps dans la secte des adorateurs du papyrus dont le gourou, un doux dingue, prétendait que l'absorption quotidienne d'une bolée de décoction de cette cypéracée ainsi que la récitation d'une oraison jaculatoire me permettraient enfin d'atteindre la tranquillité de l'âme, cette fameuse ataraxie, censée être l'apanage du sage et qui me fuyait sans cesse. J'y ai cru, j'ai bu et, déçue, j'en suis revenue. Les choses en étaient là lorsque, en visitant une église romane clunisienne, je suis tombée sur des rondes-bosses représentant les allégories de l'émoi, du désir, de la passion  et de la frénésie. Dodues et joufflues, elles écrasaient, hilares, de tout leur poids une cinquième qui grimaçait de douleur et que la médiéviste qui m'accompagnait  identifia sur-le-champ: l'ataraxie! A jamais découragée, je m'affalai sur un prie-Dieu en marmonnant d'horribles blasphèmes.

 

Francis Klotz

sous le contrôle du jury présidé par

P. MAYORAZ

 

 

VARIANTES: 1) en tout lieu                                                              6) guru

2) Emoi, Désir, Passion, Frénésie, Ataraxie          7) leurs secrets

3) vaudoues                                                                8) entr'apercevoir

4) zombies                                                                  9) hachich, hachisch, haschisch

5) traders                                                                  10) Ô

 

 

 

* " En français, « l'accent a pleine valeur orthographique ». L'Académie française recommande donc l'usage d'accent ou tréma sur une majuscule, tout comme l'utilisation de la cédille. Ainsi les publications de qualité écrivent les majuscules (tout comme les capitales) avec les accents et autres diacritiques, au même titre que les minuscules. En effet, les signes diacritiques ont un rôle important dans les langues qui les utilisent.
Cependant, dans une grande partie du monde francophone (Suisse romande notamment, mais pas au Québec), seuls les minuscules et les mots entièrement écrits en capitales sont accentués dans les textes courants. Les signes diacritiques restent toutefois reproduits par les éditeurs de publications académiques, dictionnaires, encyclopédies, certains livres de poche. On trouve donc écrit en règle générale État, mais Etat dans les publications les moins soignées. "

Source : Wikipédia.

01/11/2009

Dictée un brin gratinée

Pour tous ceux  qui se régalent de dictées, voici le texte de celle qui a eu lieu le 17 octobre 2009 à Sion, la capitale du Valais, lors de la 20e édition du Championnat suisse d'orthographe, suivi des commentaires du président du jury :

 

Une sanction judicieuse, ô combien !

 

Mon cher Guillaume, je n'en peux plus. Tu fais le faraud du haut de tes treize ans, mais tu devrais te montrer penaud. Sais-tu que tu es devenu la terreur du bailliage? Comparées au récit de tes incartades, l'Iliade et l'Odyssée ne sont que roupie de sansonnet. Un Tell se comporter ainsi! Quelle honte pour moi, ta mère! Vraiment, tu attiges!

Ainsi, hier, au lieu de nous aider  à cueillir des quetsches, qu'as-tu fait? Tu as pataugé dans la cressonnière des voisins et tu l'as saccagée. Le dimanche précédant cet exploit, tu avais enduit de glu les prie-Dieu de notre église et pendant que les fidèles tentaient de se dépêtrer, toi, hardiment dissimulé derrière les fonts baptismaux, tu en gloussais d'aise, au grand dam du curé qui te menaçait d'excommunication et mélangeait les Ave et les Pater. Le bedeau, lui, te promettait la géhenne. Dois-je peut-être te rappeler le lamentable épisode des nichets? Tu sais, le jour où, dans la ferme de nos voisins, tu en as lancé sur les paonneaux effarés. Le paysan m'a battu froid durant six mois. De plus, était-il futé de couvrir le mur du cimetière de graffiti(s) appelant à bouter les Habsbourg hors d'Uri et à pendre le tyranneau Gessler? C'est miracle que les reîtres du bailli ne t'aient point surpris.

Souviens-toi aussi de cet appeau que tu avais taillé dans le sureau pour attirer dans tes rets de malheureux geais. Dire que tu étais censé aimer les oiseaux! Bravo!

(Début de la dictée des juniors) Et quand le guet t'a ramené par les oreilles parce que, au mitan de la nuit, on vous avait surpris, toi et d'autres lascars, à bégueter comme des enragés  sous les fenêtres de la centenaire du village pour lui faire croire que ses chèvres s'étaient   échappées. Nul doute que sa fin s'en est trouvée hâtée. Et cette idée stupide : t'amuser au tir à l'arc, et pour viser  quoi? Des pommes! Toutes nos reinettes et nos boskoops (boscops) y ont passé. Toutes mises en pièces, et tu t'en vantais : "Qui sait? Un jour, peut-être, ça me servira…". Branquignol, va! Et puis, regarde-toi : tu es couvert d'ecchymoses et un énorme coquart (coquard) orne ton œil gauche. Tes vêtements? Des haillons! Combien de fois n'ai-je pas dû coudre des tacons à tes braies! Y a-t-il eu un jour de ta vie sans horions donnés ou reçus? Pas un seul!  Eh bien, mon cher ami, dans ces conditions, il est exclu que nous t'offrions pour ton anniversaire le cadeau dont tu rêves : une arbalète. Tintin, l'arbalète!

 

Francis KLOTZ

sous le contrôle du jury présidé par P. MAYORAZ

 

 

Phrases subsidiaires :

 

seniors : Sa mère s'était fait offrir des gaulthéries, des paulownias, des cat(t)leyas, des rocouyers, des zinnias, des seringa(t)s et des raiponces.

juniors  : L'eusses-tu vu, tu ne l'eusses point cru : après avoir dû, recru de fatigue, monter à cru, mû par la soif, il but dans le chai, à même le fût, une lampée d'un grand cru.

 

 

Un choix judicieux, ô combien!

Le cadre un rien solennel de la salle du Grand Conseil valaisan a accueilli la vingtième édition du Championnat suisse d'orthographe. Et une dictée bien suisse a départagé les concurrents au grand dam des non-Helvètes peu habitués à notre histoire, à notre géographie et à la graphie du détesté bailli Gessler, tout comme au canton d'Uri qui, pour primitif qu'il soit, pourrait se montrer vexé d'avoir été confondu avec une céréale asiatique.
Année de qualité que cette vingtième où les concurrents ont brillé, particulièrement les habitués bien sûr, mais aussi les futurs champions qui ont évité un plus grand nombre de pièges qu'à l'accoutumée. Et notre déception fut grande de n'en voir que portion congrue chuter à bailliage, chacun ayant amené avec lui les i qu'il fallait. Heureusement que les prie-Dieu en ont agenouillé un plus grand nombre sinon nous aurions approché de l'horreur du zéro-faute. Nos concurrents, plus habitués sans doute au football qu'à l'argot, ont souvent préféré la mi-temps au mitan. Nombre d'entre eux, et pas des moindres, se sont retrouvés "pomme" - bel helvétisme s'il en est! - avec les boscops. Mais, au final, point de  branquignols ni de cancres à cette épreuve. Suggestion quand même à quelques-uns de bachoter pour la 21e.

Pierre Mayoraz

président du jury